Cover
Titel
Nach Napoleon. Die Restauration, der Wiener Kongress und die Zukunft der Schweiz 1813-1815


Herausgeber
Kaestli, Tobias
Reihe
Archiv des Historischen Vereins des Kantons Bern 91
Erschienen
Baden 2016: hier + jetzt, Verlag für Kultur und Geschichte
Anzahl Seiten
220 S.
Preis
URL
von
Olivier Meuwly

Le Congrès de Vienne est un événement difficile à célébrer et à analyser d’un point de vue helvétique. Essentiel pour la compréhension de l’histoire de la Suisse moderne, il a laissé des souvenirs mitigés dans maintes régions du pays alors qu’il fut fondateur dans d’autres. L’attitude des Suisses en Autriche n’a, qui plus est, pas laissé de brillants souvenirs dans la mémoire collective.

Divisée en de multiples intérêts souvent contradictoires où les ambitions à court terme des uns télescopent celles des autres, la Confédération dévoile devant les vainqueurs de Napoléon un visage peu glorieux, qui contredit l’image d’unité que la Suisse aime brandir. Pourtant le piètre souvenir de ces journées viennoises déterminera dans une large mesure son histoire future. Les libéraux cherchent, dès le début des années 1830, à réformer les institutions vermoulues du pays pour lui permettre de renforcer sa position sur la scène internationale. Et c’est stimulés par l’échec de leurs adversaires que les radicaux pourront imposer leur vision d’une Suisse plus centralisée, au lendemain de la guerre du Sonderbund.

Chaque canton a donc abordé cet événement majeur de notre histoire à sa façon. Genève, Neuchâtel et le Valais l’ont fêté en grandes pompes, mais de nouvelles publications sont venues enrichir une historiographie plutôt discrète sur la question. Les traumatismes du passé semblaient hanter la recherche. Or un nouveau regard sur les conséquences du Congrès pour les cantons et la Suisse était nécessaire. Cette période peu étudiée et souffrant d’un considérable discrédit en dehors des régions qui ont profité des décisions prises dans la capitale des Habsbourg mérite une enquête approfondie tant elle reflète une réalité paradoxale: la faiblesse d’une Suisse vouée à des décisions qui dépendent des grandes puissances et qu’elle ne maîtrise pas, mais aussi sa capacité à se réinventer progressivement, bien que lentement, dans un contexte largement défavorable.

En 2015, la Société d’histoire du canton de Fribourg a organisé un colloque consacré à la position délicate des «petits» Etats malmenés durant les guerres révolutionnaires puis napoléoniennes. Les Annales fribourgeoises de 2017 (vol. 79) ont repris une partie des contributions présentées à cette occasion.

La fin de l’ère napoléonienne fut en outre dramatique pour le canton de Vaud, dont l’existence comme canton suisse égal aux autres fut proclamée par l’Acte de Médiation en 1803. Qu’allait-il advenir cette «création de Bonaparte»? On le sait, les Bernois échoueront à récupérer leurs possessions argovienne et vaudoise, mais l’alerte fut chaude dans un contexte helvétique chaotique, où l’on échappa de peu à une guerre civile en bonne et due forme. Les Actes d’un colloque à ce sujet organisé en 2014 ont été publiés en 2017 dans l’ouvrage Le Congrès de Vienne et le Canton de Vaud 1813 – 1815 (Bibliothèque historique vaudoise no 144).

Le cas hautement complexe de l’ancien Evêché de Bâle a largement animé ce grand élan scientifique et a offert deux forts ouvrages qui revisitent les situations à la fois conjointes et à bien des égards antagoniques des territoires septentrionaux du futur canton du Jura et de Bienne. Celui en français, dirigé par Jean-Claude Rebetez et Damien Bregnard et intitulé De la crosse à la croix. L’ancien Evêché de Bâle devient suisse (Congrès de Vienne – 1815), est sorti en 2018 aux Éditions Alphil.

Titre judicieux car la question de l’arrimage de l’ancien Evêché à la Confédération est bien l’un des enjeux de cette question suisse qui irrite tant les diplomates réunis à Vienne. Et c’est elle aussi que l’on rencontre au coeur de l’ouvrage dirigé par Tobias Kaestli. Dans une première contribution, André Holenstein rappelle le contexte du Congrès et les problèmes propres à la Suisse. La Diète qui en est l’autorité suprême est totalement prise au dépourvu par l’effondrement rapide de l’empire napoléonien. Son indécision handicapera grandement les Suisses. La décision de «neutraliser» la Suisse destinée à fonctionner comme un Etat tampon entre la France et l’Autriche ne peut dès que réjouir des Helvètes absorbés par leurs querelles internes. Berne, de son côté, rêve encore de retrouver son ancienne grandeur et il faut la détermination d’Alexandre pour lui faire accepter l’inévitabilité d’une Restauration partielle de l’Ancien Régime, au nom d’une stabilité intérieure de la Suisse à laquelle les puissances tiennent par-dessus tout.

Charles Pictet et Peter Lehmann évoquent pour leur part la fascinante personnalité de Charles Pictet de Rochemont. Avec l’appui du Grec au service de la Russie Jean Capo d’Istria, le Genevois parviendra à négocier habilement, entre Vienne, Paris et Turin, les frontières de son futur canton. Il faut dire qu’il a déjà l’oreille des souverains grâce à son expertise dans l’élevage des moutons mérinos, déjà appréciée loin à la ronde. Il en bénéficiera pour entretenir un commerce étroit avec rois et empereurs, curieux des nouvelles découvertes en matière d’agronomie. La comparaison que Peter Lehmann propose entre le Genevois et le délégué bernois Ludwig Zeerleder est symbolique du renversement des rapports de force au sein de la Confédération. Pictet est en contact permanent avec les grands de ce monde alors que Zeerleder, isolé, figure dès le début du Congrès parmi les perdants de l’opération.

Le destin de l’ancien Evêché de Bâle occupe bien entendu le centre de l’ouvrage. Jean-Claude Rebetez reprend les apports nouveaux que son propre livre a mis en évidence alors que Tobias Kaestli plonge le lecteur dans l’histoire tout aussi mouvementée de la ville de Bienne. Tous les «Jurassiens» plaident en coeur pour un rattachement à la Suisse. Mais sous quelle forme? Les nombreux statuts que l’ancien Evêché a revêtus depuis 1789 et l’occupation française affaiblissent considérablement la position de ses négociateurs. La séparation de fait entre le nord du pays jurassien, soumis à l’autorité du cousin de Metternich le gouverneur-général d’Andlau, et le sud, et surtout Bienne, qui pense pouvoir exciper de son long et ancien compagnonnage avec les Confédérés pour pouvoir accéder au rang de canton, ne facilitent pas non plus la défense d’une région qui n’exhibe aucune unité d’action. Et la situation est d’autant plus compliquée pour eux que, très tôt déjà, les puissances ont pris le parti de céder l’ancien Evêché dans son intégralité aux Bernois, en compensation de la perte de Vaud et de l’Argovie.

Le volume est complété par deux contributions originales. La première, due à Valentine von Fellenberg, étudie la dimension politique qui se cache derrière la décision de construire le Lion de Lucerne, hommage aux martyrs du drame du 10 août 1792 aux Tuileries, et le monument installé dans la cathédrale de Berne en l’honneur des Suisses tombés lors de l’invasion française de 1798. Un monument que La Harpe, outré, qualifie de «provocation gratuite». Deux oeuvres qui témoignent de l’esprit qui règne en Suisse au début de la Restauration. La seconde, de Dieter Schnell, montre que Berne, amputé de vastes territoires, a réduit ses ambitions en se montrant d’une extrême prudence financière dans ses choix architecturaux. Par ses angles de vue fort variés, l’ouvrage dirigé par Tobias Kaestli apporte une contribution de poids à la redécouverte de ce moment fondateur qu’est le Congrès de Vienne et qui sous-tend ce XIXe siècle décisif pour la Suisse.

Zitierweise:
Olivier Meuwly: Rezension zu: Kaestli, Tobias (Hrsg.): Nach Napoleon. Die Restauration, der Wiener Kongress und die Zukunft der Schweiz 1813 – 1815. Baden: Hier und Jetzt 2018 (Archiv des Historischen Vereins des Kantons Bern, Bd. 91).. Zuerst erschienen in: Berner Zeitschrift für Geschichte, Jg. 80 Nr. 2, 2019, S. 62-64

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Zuerst veröffentlicht in

Berner Zeitschrift für Geschichte, Jg. 80 Nr. 2, 2019, S. 62-64

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